mercredi 31 août 2011

5. Randonnée à Fish Lake.


Le souffle coupé, de nouveau. Par la fatigue de l'ascension d'un des monts de la vallée de Fish Lake, qui se situe à environ 1400 mètres d'altitude, mais surtout par la beauté du paysage qui s'étale devant mes yeux. Nous sommes  le dernier jour du mois d'août, et ici l'automne s'installe déjà à petits pas dans les hauteurs. Une palette de couleurs chatoyantes qui régale mes pupilles. Un petit tamias court se cacher derrière une roche, avant de repointer timidement le bout de son nez, comme pour s'assurer que le géant que je suis est bien parti. J'ai l'impression d'être dans le plus bel endroit du monde; et plus important encore, j'ai l'impression de le mériter. Il y a peu de choses que j'ai un jour estimé mériter, sûrement par manque d'estime de soi. Mais ces précieux instants que je collectionne jour après jour ici, j'ai pleinement conscience qu'ils m'appartiennent de manière légitime.

Toutefois, la douleur causée par le manque de toi ne s'est pas atténuée. Le soir venu, ce lit me parait bien trop grand sans toi, et ces draps bien trop froids sans ta présence pour les réchauffer. J'aimerais tellement partager cette aventure à tes côtés, affronter le monde qui s'offre aujourd'hui à moi mes doigts entrelacés aux tiens. Une partie de moi est restée en France, à tes côtés. Et parfois, je me surprend à te parler silencieusement en haut des sommets que je gravis. Alors se dessine sur mes lèvres un sourire niais, consciente du ridicule de la situation et je chasse du revers de la main ce qui me reste de toi, ce fantôme qui me suit en permanence. 

mardi 30 août 2011

4. Les sentiers de Riverdale.


J'ai la chance d'avoir derrière "mon" chez moi des sentiers par milliers et trois petits lacs. Tous les jours, je me promène sur un nouveau sentier, à la découverte de mon nouvel environnement. Parfois, je me perds dans les méandres d'une forêt à la nuit tombée, et mon esprit transforme le moindre bruissement en un ours noir prêt à me dévorer pour son repas du soir; du coup, je sifflote au rythme de mes pas, pour faire fuir la bête enragée -et chasser le stress. D'autres fois, je longe les lacs, aveuglée par le soleil, à l'affût du moindre mouvement de l'eau dans l'espoir d'apercevoir un castor.

Il y a ce joli banc en bois massif, sur un petit sommet, qui surplombe deux étendues d'eau. J'aime m'y attarder pour m'imprégner de chacun des éléments qui m'entourent, respirer à pleins poumons et sourire à en perdre la raison. Souvent, je descend la colline en courant, mon rire aux trousses, et finis ma course folle en tournoyant sur moi-même à l'entrée des bois. Je chante ma joie de vivre aux animaux de la forêt dans l'espoir qu'ils se joignent à moi, comme dans les contes de Walt Disney.

Aujourd'hui, j'ai gravi une colline bien plus haute que d'habitude. En arrivant à son sommet, j'ai salué avec amusement  mes poumons restés en bas. Deux semaines sans cigarette jour pour jour. Je crois qu'ils m'ont souri tout en m'offrant un de leurs plus beaux clins d'oeil. La prise de ce sentier m'a amené à découvrir mon quartier vu d'en haut. Le sentier, qui se situe sur un des versants de la colline, surplombe Riverdale, là où j'habite actuellement. Je n'étais pas bien haut, et pourtant, tout m'apparaissait si petit. Une fois de plus, j'avais cette sensation d'être invincible. A mon retour, j'ai emprunté le sentier qui longe l'arrière des maisons jusqu'à trouver ce petit portail en bois qui m'était devenu si familier. Le bruit qu'il produisait en s'ouvrant me fit sourire. Benji, mon ami l'écureuil, m'accueillit de son petit cri strident. Prise d'une envie irrésistible, je me suis effondrée dans l'herbe du jardin, juste en dessous de l'arbre où il se trouvait, pour mieux observer ce petit compagnon de fortune. Sur le dos, je fermai les yeux pour quelques minutes et me délectai des bruits de la nature, de son odeur, de sa force. Les quelques minutes se transformèrent en heure et mon alarme de téléphone retentit: le devoir m'appelait !

dimanche 28 août 2011

Photos #1 : Hidden Lakes.

Hidden Lakes - Whitehorse, Yukon, CANADA.

samedi 27 août 2011

3. Tu sais que...

Tu sais que tu es à Whitehorse quand :
- tu croises plus d'ours que de randonneurs en hike, ou du moins tu as plus conscience de la présence d'ours que de celle de randonneurs grâce à certains indices tels que les empruntes ou les excréments;
- tu peux conduire sur des kilomètres sans croiser un seul être humain;
- tu sais comment te servir d'un bear spray et évites de te balader en pleine forêt sans;
- tu es capable de différencier un black bear d'un grizzli pour en avoir aperçu lors de ta première randonnée et t'être précipité sur tes dépliants de l'office du tourisme, juste au cas où tu devais en croiser de plus près;
- tu connais l'existence de l'AFY, l'Association Francophone du Yukon;
- tu oscilles entre le français et l'anglais comme certains jonglent avec des oranges;
- tu portes un casque de protection quand tu fais du vélo;
- tu manges des graines, toute sorte de graine;
- tu te fais piquer tes graines par l'écureuil qui a élu domicile sur ta terrasse;
- tu fais ami-ami avec les animaux de la forêt et l'écureuil qui a élu domicile sur ta terrasse est d'ailleurs en proie de devenir ton meilleur ami.

Cette liste non exhaustive est mon soutien moral. Toutes ces petites choses de la vie quotidienne qui me rappellent pourquoi j'ai choisi de venir à Whitehorse plutôt que d'écouter mon irresponsable de coeur qui m'envoyait tout droit à Montréal. Ce lien que je tisse avec la nature après à peine quelques jours ici est précieux, très précieux. Se retrouver au sommet d'un mont et se sentir toute petite face à ce qui s'offre à toi. Marcher sur les sentiers, le sourire aux lèvres, avec respect pour les animaux. Découvrir ce monde qui jusque là m'était inconnu...

La nature, mon héro, mon énergisant, mon super pouvoir.

mercredi 24 août 2011

2. Randonnée à Grey Mountain.



Claude et moi sommes allés au sommet de Grey Mountain, le plus proche des monts alentours, à 1500 mètres d’altitude. Mes poumons m’ont réprimandé dès les premiers mètres, mes gambettes ont ajouté leurs reproches un peu plus loin sur le chemin. C’est complètement à bout de souffle et les jambes flageolantes que je suis arrivée au sommet. Vous savez, les mains sur les genoux, les joues rosies, et les poumons au sol. C’est à cet instant précis que je me suis promis de trouver en moi -durant les 12 prochains mois- la force d’arrêter de fumer… En relevant la tête pour jeter un oeil à la vue qui s’offrait à moi, j’aurais pu m’effondrer ! Non de fatigue mais d’admiration. Wahou! Devant moi se trouvait exactement ce que j’étais venue chercher: l’immensité de la nature. Et avec elle, sa force, son pouvoir, son énergie. Ce sentiment de liberté et de bonheur qui vous envahit devant un tel spectacle. Pour la première fois en ma courte existence, j’avais la sensation que le monde m’appartenait !

Oui, il y a ces moments de faiblesse où les larmes roulent sur mes joues. Oui, il y a ces instants d’infini tristesse où mon passé proche me manque horriblement, où tu me manques. Mais je ne regrette pas mon choix. Cet estomac noué, cette bouche sèche, ces yeux ébahis… tout est la preuve irréfutable d’une bonne décision.
C’est ce jour, après un peu plus d’une semaine ici, que le Yukon entre officiellement en mon coeur. De nouveau, je tombe amoureuse.

Le Yukon, mon amant tant attendu.

dimanche 21 août 2011

1. Découverte de Whitehorse.

Mes nuits sont agitées et humides. Dans la pénombre de ma chambre, chaque nuit venue, mes derniers moments en France me reviennent à l'esprit. Tels des oiseaux signe de mauvais augures, ils me hantent. Tu me hantes.

Cela fait maintenant une semaine que je suis partie de chez moi. Ma famille d'adoption est accueillante et sympathique; étrangement, je me sens déjà comme à la maison après seulement trois jours passés ici.
Pour mon premier jour, j'ai eu l'occasion de respirer le grand air de Whitehorse en allant me promener dans les sentiers alentours, ceux qui mènent jusque la plus grande échelle à poissons en bois du monde. Quand on vient pour la première fois au Canada, tout nous paraît disproportionné. Leurs routes font la largeur de nos terrains de football, leurs voitures peuvent contenir nos voitures dans leurs coffres... et leurs saumons sont donc, par la même occasion, aussi énormes que des bébés requins! Et par expérience, je peux dire qu'ils ne s'en arrêtent pas là... Ils semblent avoir la folie des grandeurs. Mais, en même temps, ils ont matière à.
A la clarté de mon second jour ici, j'ai pu avoir un véritable premier aperçu de la ville, aperçu qui me laisse assez dubitative. Concrètement, il faut bien avouer que la ville en elle-même n'a aucun charme. Perdue quelque part entre la Ruée vers l'Or et la mondialisation, Whitehorse a des allures de ville industrielle. Si le "centre" a gardé -selon moi- une certaine marque du passé avec ses hôtels et bars, l'endroit est peu à peu envahi par les chaînes alimentaires, les grandes enseignes d'épicerie... C'est, quelque part, une petite ville aux airs de grande ville; en somme, rien d'attrayant. Mais dès que notre regard s'éloigne des abords de la ville, la magie fait son apparition! La ville est entourée de petits monts de part et d'autre. Si la ville est terne, ses alentours sont chatoyants.

Whitehorse est une tâche grise au milieu d'un océan de verdure.

samedi 20 août 2011

Préface.

Il est 3:15am lorsque mon bus atteint enfin sa destination finale : Whitehorse, Yukon.
Parmi les trois jours de bus, ce fut les dix dernières heures qui furent les plus intéressantes : caribous, chèvres des montagnes, ours noirs, bisons… c’est en m’offrant un aperçu de sa faune que l’ouest canadien m’accueille. Je suis déjà conquise.
Je descends du bus d’un pas incertain et commence à chercher du regard ma nouvelle mère d’adoption tout en attendant que mon backpack de baroudeur fasse son apparition. Telles des fourmis en plein travail, mes compagnons de voyage récupèrent leurs affaires et se dispersent dans la nuit noire étoilée. Le bus quitte la plate-forme. Nous ne sommes plus que deux à docilement attendre que quelqu’un vienne nous chercher. L’angoisse s’empare de moi. Et si elle ne s’était pas réveillée ? Pire, et si elle avait changée d’avis ? Je chasse tant bien que mal ces pensées négatives d’un mouvement de tête et me remets à l’affût du moindre mouvement. 
Une voiture se gare dans l’enceinte de la plate-forme et un brin de femme en descend tout sourire. Je la reconnais immédiatement, c’est elle, Mirjam, ma mère d’adoption. Je me dirige vers elle mi figue mi raisin. Après quelques échanges formels, nous sommes en route pour la « maison ».
Un sourire collé sur le visage, je balaye du regard ce qui va être ma ville pour les mois à venir. Mirjam, tel un guide touristique, me donne deux trois indications : la rue principale, la Yukon River, le quartier « HLM »… Aux premiers abords, rien d’attrayant. La ville semble terne, morne, presque morte. Je mets cela sur le compte de l’heure tardive et décide de ne pas me faire un jugement trop rapidement. Quelques minutes plus tard, nous arrivons à ce qui va être « mon » chez moi pour quelques mois. Faite de bois, la maison me plaît immédiatement. Sans trop tarder, Mirjam me montre ma chambre au sous sol et m’abandonne à mon sommeil. 
Avec toute cette excitation, j’en aurais presque oublié qu’il y a quatre jours de cela je m’envolais de Paris vers Montréal. Le décalage horaire et mon long voyage me rappellent à l’ordre.

J’y suis enfin arrivée, ma vie au Yukon peut commencer.