lundi 12 décembre 2011

20. Décembre et la routine.


Rapidement et agilement, je la vis se déplacer sur l'imposant tapis de neige situé dans notre jardin. Elle laissait ses minuscules empruntes, à l'affût du moindre mouvement alentour. Elle, c'est la jeune martre qui a élue domicile dans notre backyard et qui régale mes petits yeux pris d'une infatigable curiosité pour la faune de ce territoire.

Le mois de décembre est arrivé à grand pas. La ville entière est recouverte depuis un peu plus d’un mois d’un épais tapis blanc qui la rend plus agréable. La température extérieure avoisine les 20 degrés négatifs, plutôt doux pour un jour de décembre.

Manteau, écharpe et bonnet en position d’exploration, j’engloutis un verre d’eau d’une traite avant de me diriger vers la porte d’entrée. Avant de sortir, je prends soin de placer mon casque sur la tête, étape fastidieuse mais vitale. Ici, porter un casque à vélo est obligatoire et passable d’une amende. Paire de gants enfilée, je mets finalement le nez dehors. J’entreprends ensuite de sortir de sa cachette mon meilleur ami, mon amant, mon amour, mon* vélo. Après quelques minutes, j’enfourche enfin ce bel étalon et me dirige avec prudence vers le centre de la ville.

A mi-chemin, je descends de mon vélo et l’adosse à la poubelle de la maison à la sphère. En effet, dans le jardin avant se trouve une énorme sphère réalisée à l’aide de roues de vélos; un travail assez détonnant, et très ingénieux. Un ou deux cognements sur la porte suffisent à ce qu’elle me soit ouverte. A l’intérieur, c’est le royaume d’Alibaba; des inventions extraordinaires, toutes –ou presque- réalisées grâce à des parties de vélo, se disputent l’espace. Mon invention préférée se trouve sur le mur du salon : un circuit fait à l’aide de rayons de vélo, où se déplacent de grosses boules colorées de haut en bas. Il est très rare que je n’enclenche pas le mécanisme de cette ingénieuse affaire si j’en viens à rentrer au salon. Mais ce soir, j’attendrais patiemment dans l’entrée.

Peu de temps après mon arrivée, me voici de nouveau dehors, à pédaler avec entrain afin de suivre le rythme de mon compatriote. Il nous faut environ dix minutes pour atteindre notre point de chute: le Gold Rush. Nous avons pris l’habitude d’y venir tous les vendredis soirs, pour profiter de concerts de bluegrass. Il nous faut arriver avant 8:00 pm pour ne pas payer l’entrée du bar, nous ne manquons donc jamais l’occasion d’arriver à 7:45 pm. Une entrée d’économisée, une bière de gagnée ! Nous trouvons une place sans trop de difficulté, et sans attendre, mon compatriote disparaît en direction du bar. Il me revient en un clin d’œil, un pichet de bière en mains. Le groupe se met en place et bientôt, les premières notes de musique retentissent. Le chanteur et le batteur ne nous sont pas inconnus. Whitehorse étant une «petite» ville, les musiciens forment et déforment des groupes au grès du jour. Il n’est alors pas rare de revoir les mêmes musiciens joués d’une soirée à l’autre; sauf que la plupart du temps, la composition du groupe ne sera pas la même ce qui permettra une certaine variation. Les bières se vident et se remplissent au fil de la musique. Nous discutons à droite à gauche, dans une ambiance bonne enfant, avec notre meilleur anglais en bouche. Qu’il fait bon vivre dans cet endroit. Vers 1:00 am, nous reprenons nos vélos respectifs, un peu plus chancelants qu’au départ, et nous dirigeons vers Riverdale, quartier résidentiel où nous habitons.

Une belle surprise nous attend sur le chemin du retour. Arrivés au niveau du pont qui sépare Riverdale du cœur de la ville, là où les lumières se font moins intenses, Aurore nous enveloppe de sa parure verdoyante. Le ciel danse au rythme de nos coups de pédales. Mon rire enfantin à demi alcoolisé retentit. Les yeux rivés vers ce magnifique spectacle, l’avancée se fait chancelante et lente. Nous continuerons notre périple jusqu’à atteindre mon chez moi, accompagnés tout du long par le phénomène époustouflant que représentent les aurores boréales.

Le sourire aux lèvres, des étoiles pleins les yeux, je m’endormirai sereinement en pensant à mon nouvel amant, le Yukon. Cet hiver restera à jamais gravé dans ma mémoire, comme le plus beau des hivers qu’il m’ait été possible de vivre jusqu’à présent. Cette immensité, cette force de la nature est bien plus magique et énergisante que tout le reste. Mon Yukon, mon beau Yukon.

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