jeudi 15 septembre 2011

Intermède #2 : Josée Fortin.

Ce texte a été écrit par Josée Fortin et publié dans l'Aurore Boréale, le journal francophone de Whitehorse. Ce texte m'a beaucoup plu et je me retrouve dans ce qu'il y dit, je souhaitais donc le partager avec vous.

Pourquoi le nord? Pourquoi ici et nulle part ailleurs?  
Vous serez d'accord avec moi qu'il existe un certain type de voyageurs qui vient visiter les contrées nordiques et qui plus est vient y vivre dans cette optique utopique du monde pur, meilleur, vrai, loin de la mondialisation et de son capitalisme avide de pouvoir. Après avoir revu un classique du voyageur, Into the wild, les émotions me remontent à la gorge. Un jeune diplômé, Christopher, quitte tout, sans laisser d'adresse, pour vivre, avec seul bien matériel son sac à dos. J'y ai vu une parcelle de moi-même, mais aussi plusieurs personnes rencontrées dans l'idyllique Colombie-Britannique, et plus encore dans les yeux de ceux qui viennent pourfendre le ciel arctique. Moi qui suis venue vivre dans mon rêve d'enfance, parce que Jack London a fait de ce pays un rêve, je retrouve au visionnement de ce film ce qui peut-être motive inconsciemment une bonne partie de la population yukonnaise d'origine occidentale: être ailleurs dans ce qu'il y a de vrai, sentir qu'on appartient à quelque chose de plus grand, de plus fort et de totalement humble: la nature. Cette nature qui est la seule à pouvoir enfin nous faire sentir loin du mensonge propre à l'humain, de son côté mesquin et prônant la performance. Ce qui différencie l'immigrant des pays pauvres, en quête d'une aise matérielle, échappe ici à ceux qui sont nés dans cette mer d'abondance; ils ont compris que tout l'or du monde ne peut illuminer leur intérieur et l'apaiser de sa rage, de sa peine. Comme si le fait de tout posséder nous dénudait, les mains vides devant l'immense fragmentation sociétaire de l'urbanisme occidental et de sa surconsommation. Remplir son vide par le trop-plein aux yeux qu'offre la grandiloquence de l'hiver, l'immortalité de ses montagnes, devient alors la solution idéale. Devenir humble devant ce que nous sommes; des petites bulles de vie frôlant à peine l'histoire du temps. 
Mais sommes-nous si imbus de nous-mêmes pour y croire totalement? 
L'histoire vécue de Christopher nous dit autre chose par rapport à ce beau rêve de vivre en connexion avec la nature, loin de l'homme et de sa propre origine. La nature a sa loi, chez l'homme comme chez le fauve: la mort. A vouloir trop s'affranchir de ses semblables et de la connaissance qu'apportent les relations humaines, Christopher a mis le monde entier dans le même panier que ses parents, oubliant qu'il y a du bon chez cet animal social qu'est l'humain. C'est ici qu'on peut se demander à quel moment les idées extrémistes détruisent. Christopher est allé à l'autre extrémité des valeurs enseignées dans notre société américaine et comme dans chaque doctrine, ce qui en résulte est l'anéantissement du rêve qu'elle veut engendre, puisqu'elle ne laisse place à aucune autre possibilité. 
Et vous, êtes-vous venu fuir ou construire, en toute conscience de causes, ce qui vous a vraiment fait immigrer sous les aurores boréales?

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